Saules : à usages multiples, multiples débouchés
La 28e Arborencontre du Conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de Seine-et-Marne s'est déroulée récemment à Coulommiers et Crécy-la-Chapelle sur le thème des saules. Une approche multifacette qui a permis de souligner la diversité d'usages du genre : la vannerie, l'architecture paysagère, la stabilisation des berges, la phytoépuration, et la production de biomasse.
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Largement concurrencé ces dernières décennies par les résines synthétiques ou les produits en rotin importés d'Asie, l'osier naturel, produit à partir de jeunes brins de saules, tend à retrouver un certain regain d'intérêt pour la vannerie et la création d'aménagements paysagers. « Si la réputation de la Haute-Marne, des Ardennes et de l'Indre-et-Loire pour cette culture et pour la vannerie n'est plus à faire, celle de la Seine-et-Marne est moins connue. Pourtant, l'osiériculture était florissante dans la région située entre les vallées du Petit et du Grand Morin jusqu'au milieu du XXe siècle », explique Joël Chatain, paysagiste (Agence pour la Terre, 77). Cette production était destinée à fournir l'Île-de-France en vannerie d'emballage - rustique et solide car réalisée avec de l'osier « en gris », c'est-à-dire avec son écorce - notamment pour les Halles de Paris. Mais également en vannerie de luxe, utilisant de l'osier « peluré », débarrassé de son écorce, avec en particulier les malles « Morin » destinées aux comédiens de l'Opéra Garnier. Les terrains de la région, composés de marnes supragypseuses qui retiennent facilement l'eau, se prêtent à la culture des saules. Joël Chatain souligne que la présence d'une rivière n'est pas indispensable pour la production d'osier et que certaines espèces sont adaptées aux terrains secs.
Matériau durable en paysage
La vannerie paysagère s'inscrit de longue date dans l'art des espaces verts avec la réalisation de clôtures et de bordures en osier tressé. Elle tend à retrouver ses lettres de noblesse, portée par une volonté de proposer des matériaux durables. Joël Chatain met en avant plusieurs jardins de Seine-et-Marne pour lesquels il a fait notamment intervenir Catherine Sciascia, une jeune productrice installée depuis cinq ans à Verdelot (77), qui cultive l'osier et réalise des aménagements en osier :
- Le jardin de la Commanderie des Templiers, à Coulommiers, a été conçu comme un lieu de pédagogie sur la question des jardins au Moyen-Âge. Il présente une collection de saules mettant en avant les principales variétés du département. Plusieurs techniques d'utilisation y sont présentées : têtes de chat et toques (sorte de têtes de chat rabattues au niveau du sol) pour la production d'osier de vannerie ; haies plessées en vert dans l'esprit des plessis médiévaux ; haies losangées supportant des rosiers et mettant en valeur une déambulation inspirée du Roman de la Rose ; clôtures en osier avec divers motifs.
- Le projet de Veneux-les-Sablons a pour objet l'insertion paysagère d'une station d'épuration pour laquelle un projet d'extension est prévu. Cette installation est située dans la réserve de biosphère de Fontainebleau, à proximité de deux ZNIEFF(zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique), deux zones Natura 2000, un site classé, et un espace naturel sensible. Outre un travail sur l'atténuation de la perception de cette construction par la réalisation d'une fresque sur le béton et la plantation d'un bosquet à l'avant-plan et de houblons, des oeuvres d'art végétales réalisées sur place par une artiste d'Éco-Land'Art à l'aide de déchets végétaux ont été installées ; un projet artistique permettant par ailleurs de favoriser le retour de la biodiversité. L'osier a été mis à l'honneur à travers la construction d'un verger rucher pour les abeilles sauvages dont la clôture a été confectionnée par Catherine Sciascia avec de l'osier autoclavé (pour augmenter sa durée de vie) et selon une technique de tressage dite « roumaine », très esthétique.
- À Moncourt-Fromonville, l'objectif est d'harmoniser les abords du village avec le site classé de la vallée du Loing dont il fait partie. Le projet intègre des saules taillés en têtard et des haies de saules en toque.
Indiquer la présence de l'eau...
Dans le cadre du programme Avenir Osier 77, le conseil général s'est lancé dans un schéma expérimental visant à renforcer le lien qui existe entre le paysage, l'eau et l'assainissement sur les routes. Cette expérimentation a été conduite dans le cadre d'un plan d'infrastructure portant sur 9 km de la RD12, destiné à améliorer la liaison entre les RN2 et RN3. La route traverse la Beuvrone, caractérisée par un régime torrentiel. Le choix d'un aménagement intégrant les saules a donc permis de signaler aux usagers la présence de l'eau. En outre, ces végétaux participent à la stabilisation des talus et favorisent l'infiltration et l'évapotranspiration des eaux de ruissellement. Ils ont été associés à des plantes hélophytes pour une action phytoépuratrice. Alternative à la méthode classique, cette technique réduit la pollution chronique liée à la circulation. L'idée était également de travailler avec les derniers producteurs de la région pour promouvoir l'osiériculture. Le site est équipé d'appareils de mesures pour un suivi des polluants de l'eau mené sur cinq ans en partenariat avec l'Agence de l'eau et le laboratoire régional des ponts et chaussées.
Énergie : de belles perspectives
En France, le bois représente une part non négligeable des sources d'énergies renouvelables, avec près de 45,5 %, loin devant l'hydraulique, les biocarburants, la valorisation des déchets urbains, les pompes à chaleur ou l'éolien. Actuellement, les sources d'approvisionnement pour le bois énergie viennent du bois de feu et des sousproduits d'industrie, avec une production annuelle de 40 millions de m3 de feuillus et 10 millions de m3 de résineux. Mais avec un objectif politique de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation nationale d'ici à 2020, il est nécessaire de réfléchir à de nouvelles sources d'approvisionnement. C'est dans ce contexte que l'Inra a mis en place des programmes de recherche pour le développement de cultures dédiées ou semi-dédiées. Trois types de sylviculture sont utilisées, le TTCR (taillis à très courte rotation sur saules, peupliers et robiniers), le TCR (taillis à courte rotation sur peupliers, robiniers, aulnes et eucalyptus), et la FCR (futaie à courte révolution sur résineux).
Pour le TTCR, le saule représente une essence intéressante : croissance très rapide, peu d'exigences vis-à-vis du sol, hormis la nécessité de disposer d'une bonne réserve en eau. Une mise en place dans de bonnes conditions nécessite une pluviométrie de 600 à 1 000 mm par an, un pH supérieur à 5,5 et une pente inférieure à 15 %. Le contrôle de la végétation adventice est primordial pendant la phase d'installation. On estime qu'il permet d'accroître la productivité de 10 à 20 %. Le choix du matériel végétal, avec un mélange de variétés est également fondamental. La récolte tous les deux à quatre ans peut être réalisée manuellement sur des petites surfaces ou mécanisée avec un rendement de 0,2 à 0,5 ha par heure. Après séchage des tiges à l'air libre, les fagots sont broyés pour fabriquer de la plaquette de chauffage. Aux Pays-Bas et en Suède, le déchiquetage est effectué directement à la récolte. Un gain de temps, mais une perte de 10 à 15 % de matière par fermentation. Avec une densité de plantation de 15 000 pieds par hectare, le rendement est évalué entre 6 et 15 tonnes de matière sèche par hectare et par an, en fonction des sites, des variétés utilisées et des apports nutritifs. C'est un niveau élevé pour une énergie renouvelable, équivalent à 3 500 l de fuel.
Autre atout du saule : cette essence favorise la stabilisation des sols et limite les phénomènes d'érosion. Si la culture en TTCR est actuellement peu rentable au regard des productions alimentaires - il faut prévoir trois récoltes pour atteindre un retour sur investissement -, elle constitue une opportunité intéressante pour valoriser des terres en déprise et pour couvrir des besoins énergétiques locaux (autoconsommation). L'utilisation de boues de stations d'épuration ou d'eaux usées prétraitées permet de réduire les coûts de fertilisation et de s'inscrire dans une démarche de gestion durable des territoires.
Yaël Haddad
Une Arbovisite « Les saules au jardin » est prévue le mardi 3 juin 2014 : visite du jardin médiéval de la Commanderie des Templiers, à Coulommiers (77), et du jardin botanique de la Presle à Nanteuil-la-Forêt (51) : collection d'environ quatre cents taxons agréée CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées). Renseignements et inscriptions auprès du Caue 77 sur www.arbres-caue77.org
Clôture réalisée selon la technique de tressage dite « roumaine », dans le verger rucher de Veneux-les-Sablons (77). PHOTO : JOËL CHATAIN
Un exemple de plessage réalisé avec la variété Ferrière. Considérée comme l'une des meilleures de la Brie, elle est adaptée à la vannerie pour réaliser tous types de pièces, mais aussi pour l'aménagement extérieur. PHOTO : CATHERINE SCIASCIA
Grisette sert à réaliser des travaux de vannerie « en blanc » (écorcé). PHOTO : CATHERINE SCIASCIA
Ferrière se caractérise par de longs brins souples et élégants. PHOTO : CATHERINE SCIASCIA
Romarin produit un osier de très bonne qualité. PHOTO : CATHERINE SCIASCIA
Jaune Maraichère s'utilise en vannerie « en gris », c'est-à-dire avec son écorce. PHOTO : CATHERINE SCIASCIA
Sardat, saule peu poussant, offre une écorce vert tendre. PHOTO : CATHERINE SCIASCIA
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